Marlène, 25 mars 2014
« Je suis née en 32, je suis née à Strasbourg. J’ai vécu mon enfance à Schiltigheim.
C’était la guerre, nous, de Strasbourg on était évacués à Saint-Julien. Dans des wagons, je me rappelle encore, sur des trucs de paille. Tous dans un grand truc ensemble. Après on a eu de la chance d’avoir un 2 pièces. Mais c’était la guerre. Puis après on est de nouveau allés chez nous, on savait jamais pourquoi ils nous ont évacués, c’était sûrement parce qu’ils avaient peur, comme on était près de l’Allemagne. On habitait Strasbourg donc c’est juste à côté, ça fait quelques kilomètres d’Allemagne.
Quand on est enfant, on ne voit pas ces choses comme les grandes personnes les voient, alors je n’étais pas tellement malheureuse. Quand j’étais petite fille, j’allais et je demandais du pain et des trucs comme ça. Et comme j’étais petite alors ils m’ont donné! J’étais très débrouillarde. Je demandais du lait pour notre bébé, on n’avait pas de bébé! J’étais pas peureuse, je n’étais pas une fille peureuse, on ne peut pas dire.
J’ai perdu mes parents très jeune, et j’étais élevée par ma tante. Parce que ma maman elle est morte à 30 ans. J’avais mon demi-frère, mais pour nous c’était mon frère, encore aujourd’hui c’est mon frère, et puis il y avait mon cousin, et il y avait un jeune homme en haut, enfin une famille qui avait un garçon, donc moi j’étais en principe avec les garçons. Il n’y avait pas de filles autour de moi, il y avait 3 garçons. Et je me comprenais bien avec eux, je faisais tout ce qu’eux faisaient, j’allais sur les arbres et tout ça, comme eux, j’étais un « garçon manqué » comme on dit.
Mon père il était toujours parti, il était là samedi – dimanche. Il conduisait, il était chauffeur privé je crois, quelque chose dans ce genre-là. Il était gentil, moi j’étais toujours avec lui. Parce que la maman elle était « tsak-tsak » un petit peu, alors il me disait toujours « Viens ». Alors on sortait ensemble, il s’est fait un atelier et là j’étais, j’avais une petite chaise, et j’étais toujours assise à côté de lui. Il a dit « Comme ça on est tranquilles ». J’étais toujours avec mon père.
Après j’ai fait mon apprentissage au Printemps, j’étais 46 ans au Printemps comme démonstratrice, dans les rideaux et tout ça. Et ma chef qu’on avait c’était une amie à moi, j’aurais pu être chef moi, ou elle. Et moi j’étais un peu plus longtemps là mais je ne voulais pas être chef. Mon amie c’était une grande personne, j’ai dit « Écoute, prends toi la place de chef. Toi tu as de l’autorité, parce que pour être chef il faut avoir de l’autorité » Et alors le directeur il a dit « Pourquoi vous ne voulez pas être chef ? » alors j’ai dit « Monsieur le directeur, je vais vous dire une chose : je ne veux pas être chef, parce que je suis petite! » Il a dit « Qu’est-ce que ça a à voir avec un chef ? » j’ai dit « Non, parce que pour être chef il faut être grande, il faut avoir de l’autorité », il a dit « Ah ça j’ai jamais entendu ! Ah il faut être grande pour être chef ! » j’ai dit « Oui! » Et chaque fois quand il passait il rigolait, il me donnait la main il rigolait, il a dit « Vous êtes une drôle! »
Vous savez les femmes peuvent être méchantes. Quand le directeur passait me donner la main, alors j’entendais « Hé elle couche sûrement avec lui » Une fois j’ai dit « Venez tous, venez, j’ai quelque chose à vous dire : vous savez je couche avec le directeur » « Ah qu’est-ce que je t’ai dit! Tu vois je t’ai toujours dit! » Après j’ai dit « Écoutez, vous êtes quand même une bande d’imbéciles! Mais vous croyez qu’il a besoin de moi? Cet homme il est marié, il a sa femme! Mais arrêtez un petit peu » et moi je rigolais. Parce que tout ce qu’on leur disait ils croyaient. Moi ça m’a plu, j’aimais bien faire comme ça, un petit peu « tsak-tsak ». Ils l’ont cru. Alors j’ai entendu « Hé qu’est-ce que je t’ai dit, j’avais raison! » Et moi je me marrais, ça me faisait rire. Parce que vous ne pouvez pas vous imaginer comment sont les femmes. Quand même, c’étaient quand même des bons moments qu’on avait. C’est les meilleurs moments de ma vie quand je travaillais.
Quand j’avais l’âge pour aller en retraite, je n’avais pas envie de partir, et il y en avait beaucoup « Oh je suis contente quand je suis en retraite », j’ai dit « Mais pourquoi ? » Moi non. J’aimais mon travail et j’étais heureuse quand je travaillais, j’aurais encore voulu travailler. Je travaillais de 14 ans jusqu’à 60 ans, et puis ça m’a fait quelque chose de partir. J’étais heureuse dans mon travail.
Mon premier mari où j’ai ma fille, il est mort à 30 ans. Alors j’étais 20 ans seule, et je me suis mariée, ça fait 30 ans maintenant que j’étais mariée avec mon deuxième mari, qui est décédé aussi. Il est décédé y a quelques mois.
Il avait rendez-vous, mais pas avec moi, avec une amie à moi. Et elle voulait que je l’accompagne, j’ai encore dit « Maintenant il faut que je t’accompagne quand tu as un rendez-vous! » Et puis je suis allée avec elle, et puis voilà. Bon ça n’a rien donné. On est rentrées. Elle avait déjà une voiture à l’époque, c’était une fille qui était bien vous savez. Il aurait fait une bonne affaire mon mari! Et tout à coup, un jour ça sonne à la porte. Et j’avais un balcon, j’habitais en ville à Strasbourg, quand ça sonnait je me suis mise sur le balcon pour voir qui c’était. Je regarde. Je vois monsieur Post. Il est venu, parce qu’il nous a sûrement suivies pour voir où j’habite, et là il savait où j’habitais. On a tout de suite sympathisé ensemble. Et puis il ne voulait pas attendre pour se marier, et puis un mois après on s’est mariés.
Je ne suis pas quelqu’un qui se morfond, qui se fait trop de soucis. Je prends la vie comme elle vient. Et c’est mieux. Je prends la vie comme elle vient. Je me dis toujours « Ça va aller mieux ». Vous savez, je suis quelqu’un qui dit « Ça va aller mieux », et c’est ça qui m’aide beaucoup. »