Mario, 26 mars 2014
« En Italie, j’étais dans la province de Udine, et au fond de la vallée on était le dernier village de la vallée et on n’était pas loin de la frontière autrichienne. On n’avait pas tellement de nouvelles quoi.
Je me souviens j’allais à l’école à pied, il y avait 4 kilomètres à faire. Quand je revenais, je m’arrêtais chez ma tante qui me préparait toujours un petit goûter. Des jeunes voisins où en hiver on allait, ils habitaient en haut d’une pente et on faisait de la luge. Comme il y avait une fontaine à côté, on mettait de l’eau sur la route, comme ça on avait de la glace. Ce qui fait que les camions n’arrivaient pas à monter… ça créait de sacrés problèmes.
Je me souviens, il y a une image qui me reste, c’est les canons qui étaient pointes sur les maisons. C’étaient les allemands qui pointaient les canons sur les maisons. Ils n’ont pas tiré d’ailleurs.
Je suis venu en France, j’avais 9 ans. J’ai commencé à l’école avec des minimes. J’avais 9 ans moi, j’étais avec des gamins de 5 ans parce que je ne parlais pas. Évidemment, je ne parlais pas français! Par contre les maths, des choses comme ça, je connaissais, alors j’étais le champion de la classe. Et en fait, j’ai sauté pas mal de classes et je suis arrivé au certificat d’études à 14 ans, comme prévu. Et j’étais bien classé au certificat d’études, enfin je m’étais bien débrouillé. Et puis j’ai bien appris le français, parce que j’ai beaucoup lu.
Je me souviens que mon père m’avait payé une vespa d’occasion. J’avais percé le tuyau d’échappement pour faire plus de bruit, quand je passais dans le village j effrayais toutes les poules avec le bruit que ça faisait. Puis je lui piquais de l’essence dans la voiture, avec un tuyau, pour mettre dans la vespa. J’ai acheté peu d’essence pour la vespa, j’ai roulé toujours aux frais du père.
D’autre guerre, j’ai fait l’Algérie. Comme tout le monde quoi. Comme tous les gens de mon âge. J’étais sur le barrage électrifié, c’était à 400 kilomètres d’Alger. On avait 80 kilomètres de barrage à surveiller. J’étais dans un endroit relativement calme, j’ai pas eu de problèmes. On avait même une piscine. On avait une piscine de 8 mètres par 10, mais qui était inaccessible parce qu’elle était derrière le barrage électrifié. Alors pour y aller, il fallait donner des ordres pour faire couper le courant. Alors on disait « Tu coupes le courant à 6h pile, tu le remets à 6h05 », alors il ne fallait pas qu’il se loupe le gars parce qu’autrement…
J’y étais au mois de mars, et c’était une période où les nuits sont fraiches, donc les lapins sortaient la nuit. Donc les lapins, les oreilles comme ça… le premier fil barbelé – il y avait 5000 volts dedans – hop! Par terre, terminé. Alors ça sonnait « Dring! » « Ah, va voir ce que c’est » Le matin, tu ramasses les lapins. Donc j’ai mangé plus de lapins en Algérie que de ma vie. Je suis rentré, je suis resté 2 ans sans en manger. Un collègue qui était parisien, qui était cuistot, il nous a fait 15 lapins pour 8. Fini les lapins, on pouvait plus. Alors on donnait des lapins contre les cigarettes. On allait à la compagnie « T’as des cigarettes? Tu veux un lapin? » Hop!
Je me suis fait tirer dessus un jour par les français, parce qu’ils faisaient un tir, un exercice. Il y avait une butte et ils tiraient vers le haut, ils pensaient que il n’y avait pas de problème, ils pouvaient tirer, il n’y avait pas de problème, ça passait au-dessus de la piste. Et puis moi ce jour-là j’avais reçu un Bleu et j’ai dit « Tiens, je viens avec faire le tour de la piste ». Alors on avait un fusil pour 3. Un fusil et puis la jeep, on part. A un moment, on entend les coups de feu « Pan Pan Pan » et j’ai même moi senti un courant d’air sur la joue, c’était une balle qui passait. Elle est pas passée loin. Les balles se plantaient sur les barbelés, puis elles tombaient derrière la jeep, devant la jeep. « Oh, j’ai dit, dis donc » j’ai dit au Bleu « Tire! », il me dit « Où? » « Tu tires, fais du bruit ».
Nous, on était au courant, la femme de notre colonel était la maitresse du capitaine. Alors nous on savait parce qu’on avait un téléphone de campagne, un truc manuel, tous les postes étaient reliés entre eux. Alors on l’avait su par téléphone, quand ils se téléphonaient.
En Algérie, un sergent pouvait être chef de section ou chef de poste. Moi j’étais chef de poste, j’avais un bâtiment, on était 8. Donc c’était moi le patron. A côté, il y avait des chasseurs qui étaient totalement indépendants, ils n’avaient rien à voir avec nous. Alors un jour – je me souviens c’était sur la fin, on était en train de démonter les installations, donc c’était fini on avait signé la paix – un adjudant qui vient et qui me dit « Je veux aller à la piscine! Bah oui, vous m’ouvrez, je veux nager, je veux aller à la piscine » alors j’ai dit « Non monsieur, non. » « Comment non? Mais Sergent vous vous prenez pour qui? » « Pour un commandant de compagnie mon Adjudant. Je dis « non » ; vous n’y allez pas. » Et il n’y a pas été. Et il est parti avec sa jeep et son chauffeur. »