Liliane, le 8 mars 2014
« Quand la guerre a éclaté j’avais 4 ans. Et j’ai souvenir qu’il y avait des alarmes, quand les avions allemands sont venus mitrailler des trains. Et moi, ma terreur c’était les avions. Et donc nous nous sommes installés à la cave. Tout! Et chaque fois qu’il y avait une alarme, hop! il fallait vite aller à la cave.
Maman m’avait une fois emmenée, mon frère et moi, un peu dans la montagne, cueillir des mûres. Et quand on était en train de cueillir, il y avait une alarme. Et j’entendais les avions qui venaient en rase-motte, j’ai hurlé! Maman m’a dit « Mais couche-toi sous un buisson ! » Ah non, moi j’ai couru jusqu’à la maison pour être chez papa.
Et puis une autre fois, juste avant Noël, c’était en hiver, il y avait un soldat, je crois que c’était un marocain, qui m’a demandé un renseignement pour aller je ne sais où dans la ville. Je lui ai donné le renseignement, et il m’a donné en échange une barre de chocolat. Avec ce chocolat, j’ai filé à la maison et on l’a partagé entre les 4 membres de la famille.
Et puis ce qui m’a beaucoup traumatisée, c’était quand l’armée allemande était en pleine déroute, il y avait 2 mètres de neige et puis on entendait dans la rue du bruit donc j’ai regardé par la fenêtre : toute une caravane interminable de cuisines de camp, avec des cadavres dessus et puis des vaches et des veaux qu’ils ont pris avec, des chevaux, des… ça, ça m’a terriblement marquée.
Mon mari à l’époque il devait avoir 14 ans, et il avait un ami aveugle qui voulait devenir machiniste: conduire les locomotives. Et alors René lui a une fois dit « Viens, moi je t’emmène pour que tu puisses la toucher » Ils sont partis, personne ne savait où ils étaient. Parce qu’il y avait une locomotive qui stationnait à la gare de Luttenbach là, et puis il y avait des alarmes ; chaque fois qu’il y avait une alarme, ils se sont vite couchés dans un caniveau ou n’importe, quand l’alarme était terminée ils ont continué leur route jusqu’à cette locomotive. Et cet ami aveugle était tellement heureux de pouvoir ne serait-ce que toucher et faire le tour de cette locomotive! Et la maman de mon mari elle s’inquiétait! Elle ne savait pas où était René, et avec ces alarmes… »